Les bonbons
2. Les mécanismes physiologiques du goût
Notre système gustatif se compose de deux parties :
2.1. La partie périphérique: ce qui se passe dans la bouche
2.1.1. La langue
La langue est l’organe principal du goût. C’est le muscle le plus sophistiqué du corps humain. Très mobile, il est recouvert d’une muqueuse rose d’aspect rugueux. Cet organe, pourvu de capteurs thermiques et tactiles, aide à la reconnaissance et à l’appréciation du goût des aliments. Le bébé, par exemple, explore le monde et découvre les objets en les portant à sa bouche.
2.1.2. Les papilles gustatives
La langue est composée de nombreux organes sensoriels, appelés papilles, qui sont dispersées sur sa surface et donnent à celle-ci son aspect râpeux.
2.1.2.1. L’expérience du glaçon :
Nous avons réalisé une expérience avec un glaçon pour savoir si l’on ressent le goût d’un bonbon de la même façon avant et après que la langue ait été refroidie.
Nous avons d’abord sucé un bonbon pour bien se souvenir de son goût. Puis nous nous sommes rincés la bouche et nous avons sucé un glaçon pendant une minute pour que la langue se refroidisse.
Ensuite, nous avons retiré le glaçon et remis immédiatement le bonbon dans la bouche : aucune saveur n’a pu être identifiée. Pour finir, nous avons attendu quelques minutes et lorsqu’il n’y a plus eu de sensation de froid sur la langue, nous avons croqué le bonbon et reconnu sa saveur initiale.
Ainsi, nous avons pu constater que le froid du glaçon a gelé les papilles de la langue et qu’elles se sont « endormies ». En raison du froid, elles fonctionnent mal et captent difficilement les saveurs. Quelques minutes après, la langue s’étant réchauffée, les papilles se réveillent et transmettent à nouveau correctement les informations relatives au goût du bonbon.
Nous pouvons donc établir un lien direct entre les papilles gustatives et les sensations gustatives. Certains facteurs, comme le froid, ont la capacité de modifier ce ressenti.
Pour conclure, les papilles gustatives sont le point de départ de la chaine gustative.
2.1.2.2. Les différents types de papilles :
Il existe quatre types de papilles que l’on classe selon leur forme et qui sont disposées à différents endroits de la langue (cf. schéma ci-dessous). Certaines d’entre-elles sont pourvues de bourgeons gustatif, qui jouent un rôle primordial dans la perception du goût (cf. I. 2.1.4. les bourgeons gustatifs et les cellules gustatives). On distingue :
-
Les papilles fongiformes en forme de champignon se situent surtout sur la pointe et les bords de la langue. Chacune d’elles renferme entre un et cinq bourgeons gustatifs.
-
Les papilles filiformes ont la forme de cône et tapissent les 2/3 antérieurs de la langue en formant une surface spongieuse facilitant l’adhésion des aliments. Elles ne renferment pas de bourgeons gustatifs mais informent sur la température et la consistance des aliments.
-
Les papilles foliées ressemblent à des feuilles et forment de petites rangées sur les côtés de la langue. Elles renferment des bourgeons gustatifs.
-
Les papilles caliciformes : placées à l’arrière de la langue où elles forment un « V », sont peu nombreuses (de 9 à 12) mais ont la plus grosse taille (2 mm de diamètre). Elles renferment plusieurs centaines de bourgeons gustatifs. Ces papilles constituent la dernière barrière avant l’œsophage et permettent de détecter toute saveur suspecte d’un aliment et notamment l’amertume, qui est souvent un signe de toxicité.
Schéma récapitulatif de la langue, des papilles et des bourgeons gustatifs qui la composent
Schéma des différentes catégories de papilles gustatives
Nous possédons à la naissance environ 10 000 papilles et ce nombre décroît avec l’âge. Chaque papille a une durée de vie d’environ dix jours et se régénère régulièrement. Les papilles fongiformes, foliées et caliciformes, possèdent des récepteurs sensoriels de goût appelés « bourgeons gustatifs », qui nous donnent des informations sur les aliments que nous ingérons et nous permettent d’en reconnaitre les saveurs.
Lorsque nous mangeons, nous avons l’impression que chaque saveur n’est pas ressentie au même endroit. Nous pouvons alors penser que la langue est divisée en plusieurs zones de sensibilité gustative différentes (cf. schéma ci-dessous). Cela serait lié au fait que les trois types de papilles, précédemment cités, seraient capables de reconnaitre chacune des saveurs primaires différentes :
- Les papilles fongiformes percevraient le sucré et le salé ;
- Les papilles foliées détecteraient l’acide ;
- Les papilles caliciformes seraient sensibles à l’amer ;
- Les papilles filiformes ne renseignent pas sur le goût.
Schéma présentant une hypothèse de cartographie
des différentes zones de sensibilités gustatives de la langue
Nous allons donc chercher à vérifier cette hypothèse au travers de l’expérience suivante, notamment en ce qui concerne la saveur sucrée, qui relève du goût des bonbons.
2.1.3. Le ressenti des saveurs sur différentes zones de la langue : expérience du coton-tige
Nous avons testé une expérience à l’aide de coton-tige pour savoir si les saveurs des aliments sont ressenties de la même façon sur différentes zones de la langue.
2.1.3.1. Le protocole de l’expérience :
Cette expérience a été testée sur un groupe de 15 personnes, composé de 13 adolescents (entre 15 et 17 ans) et deux adultes (entre 25 et 45 ans), représentants les deux sexes (5 femmes et 10 hommes).
Nous avons disposé 4 ingrédients, individuellement dans un verre respectif, appartenant chacun à un type de saveur primaire : la saveur sucrée est représentée par du sucre, l’acide par du jus de citron, le salé par du sel et l’amer par du café soluble.
A l’aide d’un coton-tige, préalablement trempé dans de l’eau, nous avons dans un premier temps, prélevé du sucre et l’avons déposé sur la langue d’un sujet à 5 endroits différents (sur le devant, les deux côtés, l’arrière et le milieu), selon 5 zones préalablement définies (cf. Schéma des ressentis des saveurs sur les différentes zones de la langue : hypothèse de cartographie des sensibilités gustatives de la langue « expérience du coton-tige » et annexe I). Pour chaque zone, le sujet en question a goûté, avalé puis rincé sa bouche avec de l’eau. Ensuite, nous avons demandé à la personne de noter le niveau d’intensité de la saveur perçue, selon les différentes zones (+++ : très forte intensité ; - : intensité nulle).
Nous avons, dans un deuxième temps, refait la même opération avec le citron, puis ainsi de suite avec le sel et le café. Entre chaque ingrédient testé, le sujet d’étude a bu de l’eau pour ne pas garder le goût de l’ingrédient précédemment avalé, et nous avons changé de coton-tige.
Schéma des ressentis des saveurs sur les différentes zones de la langue : hypothèse de cartographie des sensibilités gustatives de la langue (expérience du coton-tige)
(Voir annexe I)
2.1.3.2. Les résultats de l’expérience :
Ressenti des saveurs sur les différentes zones de la langue :
Graphiques récapitulatifs des résultats de l’expérience du coton-tige
Les résultats obtenus (cf. graphiques récapitulatifs des résultats de l’expérience du coton-tige) semblent corroborer l’hypothèse de départ, à savoir : il existerait sur la langue des zones de sensibilité gustatives différentes.
Les très fortes intensités de saveurs perçues par les sujets de l’expérience (cf. colonnes bleues des graphiques) correspondent principalement à :
- pour la saveur sucrée : la zone 1 de la pointe de la langue, recouverte de papilles fongiformes ;
- pour la saveur salée : la zone 2 des bords antérieurs de la langue, recouverte de papilles fongiformes ;
- pour la saveur acide : la zone 3 des bords postérieurs de la langue, recouverte de papilles foliées ;
- pour la saveur amer : la zone 4 de l’arrière de la langue, recouverte de papilles caliciformes ;
Enfin, il existerait une zone 5, insensible au goût (colonnes jaunes d’intensité nulle), située au milieu de la langue, recouverte principalement de papilles filiformes.
Cependant, il convient d’être prudent, quant à une cartographie des sensibilités gustatives de la langue. Auparavant, on pensait que les papilles gustatives étaient sélectives, c’est-à-dire qu’une zone de la langue correspondant à un certain type de papille, ne reconnaissait qu’une certaine saveur. En observant la zone 5, insensible au goût, on se rend compte que le goût n’est pas lié à une certaine catégorie de papilles, mais plutôt à la présence ou non, au sein de ces papilles, de bourgeons gustatifs, en plus ou moins grande quantité.
Les papilles de la langue ne sont que le point de départ de la chaine gustative, mais ce n’est pas à leur niveau que se forme le goût. Des découvertes scientifiques récentes ont montré qu’il n’y a pas de capteurs spécifiques à une saveur donnée, et donc, qu’il faut relativiser l’existence d’une cartographie de la langue pour les saveurs. Il conviendrait plutôt de raisonner en termes de population de récepteurs sensoriels activés, via les bourgeons gustatifs, pour expliquer leur distinction (cf. I. 2.1.6. la relation entre la perception d’une saveur et sa concentration ionique/protéique) : selon la substance sapide présente dans la bouche, différents groupes de récepteurs sont activés. Une molécule X de la substance sapide va agir sur un nombre x de récepteurs et une molécule Y sur un nombre y. il y aura un certain nombre de récepteurs communs, mais jamais une superposition exacte. C’est cette différence du nombre de capteurs activés par une molécule qui permet de reconnaître un grand nombre de saveurs.
2.1.4. Les bourgeons gustatifs
Le siège de la perception du goût à l’intérieur de la bouche se situe au niveau de détecteurs sensoriels du goût appelés bourgeons gustatifs. Situés à la base de certaines papilles gustatives, ils sont également présents dans l’épiglotte, le pharynx et le palais. Une langue humaine possède approximativement 10 000 de ces bourgeons, capteurs du goût.
Les bourgeons gustatifs sont des amas sphériques, en forme d’oignons (cf. schéma représentant un bourgeon gustatif), qui contiennent entre 50 et 100 cellules de soutien et des cellules gustatives chimio-réceptrices, reliées à des fibres nerveuses par des synapses. Au sommet de chaque cellule gustative, de fines projections, nommées microvillosités (qui augmentent la surface de détection), font saillie à travers un pore gustatif, une ouverture à la surface du bourgeon, par laquelle les substances sapides, issues de la dissolution des aliments par la salive, vont pouvoir atteindre et interagir avec les cellules gustatives réceptrices. Ce sont les seules cellules sensorielles de notre corps à être directement exposées à l’environnement.
On estime ainsi que l’activation d’une population de 10 000 bourgeons gustatifs suffit pour distinguer une centaine de saveurs différentes.
Schéma représentant un bourgeon gustatif
2.1.5. Les mécanismes chimiques au sein des cellules gustatives
A l’intérieur des cellules gustatives, les mécanismes de reconnaissance des saveurs sont complexes.
Les substances sapides sont constituées de molécules chargées en ions (principalement positifs tels que : Na+, K+, H+, Ca2+…). Lorsque les substances sapides entrent en contact avec les cellules gustatives, elles interagissent avec deux types de protéines de la surface de ces cellules : les premières sont des récepteurs gustatifs, les secondes sont des pores appelées canaux ioniques (cf. schéma ci-dessous). Ceux-ci sont responsables du transport des ions entre l’extérieur et l’intérieur de la cellule. Ces canaux sont sélectifs et, selon le stimulus du goût, ils vont se boucher ou s’ouvrir pour laisser passer ou non les ions. C’est ce qui est à l’origine de la différence de perception des saveurs.
Comme pour les neurones, les cellules gustatives ont une charge interne négative tandis que leur charge externe est positive, ce qui crée une différence de potentiel. L’arrivée de substances sapides chargées en ions modifie cet état. Lorsque les ions pénètrent dans la cellule par le passage des canaux ioniques, ils augmentent la concentration en ions positifs (cations) à l’intérieur de la cellule gustative, ce qui la dépolarise et provoque une diminution de la différence de potentiel.
En raison de cette dépolarisation, les cellules gustatives libèrent les messages chimiques, appelés « neurotransmetteurs », par le biais de synapses, vers les neurones sensitifs qui entourent la base des cellules gustatives. Cela crée des signaux électriques, nommés « potentiels d’action », qui sont acheminés et propagés jusqu’au cerveau. On appelle ce phénomène la transduction.
Schéma de la transduction et des mécanismes chimiques au sein d’une cellule gustative réceptrice
2.1.6. La relation entre la perception d’une saveur et sa concentration ionique/protéique
Chaque molécule sapide d’un bonbon ou d’un aliment possède une saveur particulière. La perception de cette saveur est proportionnelle à sa concentration en ions ou en protéines. Chaque ion ou protéine correspond à une saveur. Les goûts salé et acide sont dus à la présence d’ions alors que les goûts sucré et amer provoquent un fonctionnement de la transduction plus complexe (cf. tableau ci-dessous) :
Tableau récapitulatif de la relation entre la perception d’une saveur et la concentration ionique/protéique
° Les ions sodium Na+ (saveur salée) et les ions hydrogène H+ (saveur acide) pénètrent directement dans la cellule gustative par les canaux ioniques, ajoutant leur charge électrique à la charge totale de la cellule, en créant une dépolarisation.
° Les composés des saveurs sucrées et amer se lient, eux, à des seconds messagers : Il s’agit de protéines de la surface de la cellule, appelées « récepteurs » (exemple : la protéine G), qui vont bloquer les canaux ioniques et donc permettre l’entrée des ions Ca2+ dans la cellule, après l’avoir dépolarisée :
- Pour le sucré, seules les protéines G interviennent pour faire passer les ions Ca2+.
- Pour l’amer, des substances comme le calcium vont bloquer les canaux ioniques et permettre l’entrée des ions Ca2+, mais peuvent aussi intervenir, comme pour le sucré, des seconds messagers qui libèreront eux aussi leur réserve d’ions Ca2+.
Ce sont ces ions Ca2+ qui, selon leur concentration, vont libérer les neurotransmetteurs, permettant la transmission de l’information nerveuse jusqu’au cerveau. Chaque cellule gustative délivre donc une information spécifique, selon le type de saveur, au système nerveux central.
2.2. De la langue au cerveau : intégration du message sensoriel
Le système nerveux humain est responsable de l’envoi, de la réception et du traitement des influx nerveux. Il contrôle les actions et les sensations de toutes les parties du corps, ainsi que la pensée, les émotions et la mémoire.
2.2.1 La transmission nerveuse
2.2.1.1. Les neurones :
Chaque cellule sensorielle gustative est innervée par plusieurs fibres nerveuses différentes appelées « neurones ». Chacun d’entre eux peut lui-même innerver plusieurs bourgeons gustatifs différents, parfois distants de plusieurs millimètres.
Un neurone est une cellule nerveuse spécialisée dans la fabrication et la transmission de messages nerveux. C’est l’unité de base du système nerveux, qui comprend (cf. schéma de la structure d’un neurone) :
-
Un corps cellulaire : il contient le noyau et les différents éléments du cytoplasme ;
-
Des dendrites : courtes ramifications situées tout autour du corps cellulaire ;
-
Un axone : ramification principale du neurone, qui peut être très longue, jusqu’à plusieurs mètres et constitue les fibres nerveuses des nerfs ;
-
Les synapses : ces branchements sont des zones de contact permettant le passage des messages chimiques entre deux neurones, ou entre un neurone et une autre cellule (ex : un récepteur sensoriel tel qu’une cellule gustative).
Schéma de la structure d’un neurone
Photographie d’un neurone prise au microscope électronique
Les dendrites sont spécialisées dans la réception de messages en provenance d’autres cellules nerveuses ; elles sont en connexion avec de nombreuses autres cellules, dont les cellules sensitives gustatives. Le corps cellulaire est un lieu d’intégration de ces messages : il fait une sorte de « moyenne » des messages arrivant au même instant, et crée en conséquence un nouveau message résultant qui sera transmis par l’axone à d’autres cellules nerveuses. Le message nerveux se propage toujours dans la même direction : il nait au niveau du corps cellulaire, et est transmis dans l’axone à une vitesse de l’ordre de 1 m/s.
Ainsi, la transmission du message chimique, délivré par les cellules sensitives gustatives, repose sur ce réseau de neurones, capables de communiquer entre eux pour se « passer » le message et le transformer en message nerveux. Une continuité est ainsi créée entre les organes sensoriels (cellules sensitives gustatives) et les centres nerveux du cerveau, au moyen des axones des neurones qui constituent un nerf sensitif.
2.2.1.2. Les nerfs concernés par la sensibilité gustative :
La sensibilité gustative est sous la dépendance principale de quatre nerfs crâniens, qui innervent la langue en deux zones distinctes (cf. schéma ci-dessous):
Schéma de la localisation des nerfs concernés par la sensibilité gustative
La partie antérieure de la langue (les 2/3 avant) est régie par :
-
La corde du tympan, branche du nerf facial (7ème nerf crânien), qui relaie l’information des bourgeons du goût,
-
La branche linguale du nerf trijumeau (5ème nerf crânien), qui transmet la sensibilité provenant des bourgeons gustatifs, la température, la texture des aliments et la douleur. Ces informations ne concernent pas les saveurs mais participent à l’élaboration du goût. Le menthol, par exemple, stimule ce nerf pour donner une sensation de frais, en agissant sur les récepteurs de la langue activés par le froid : un effet rafraîchissant est aussitôt transmis au cerveau. Ce sont les cellules thermo-réceptrices de la bouche qui sont sensibles au menthol et non les bourgeons gustatifs, c’est pourquoi, même chaud, un thé à la menthe rafraîchit. Ce nerf contrôle aussi la mastication.
La partie postérieure de la langue (1/3 au fond) est régie par :
-
Le nerf glosso-pharyngien (9ème nerf crânien), qui véhicule les informations gustatives, ainsi que le toucher et la douleur. Il intervient également dans la déglutition et active les glandes salivaires.
-
Le nerf vague ou pneumogastrique (10ème nerf crânien), qui transmet les sensibilités provenant de la gorge et de l’épiglotte, participe aussi à la déglutition.
D’un point de vue anatomique, il n’existe pas à proprement parler de « nerf gustatif ». On utilise ce terme pour désigner l’ensemble des nerfs qui président à l’élaboration de la gustation.
Ces quatre nerfs crâniens acheminent l’information des capteurs sensoriels jusqu’au cerveau : en moins de 150 millisecondes, les premières informations d’une stimulation gustative arrivent au cortex cérébral. Leurs signaux se rejoignent ensuite dans le bulbe rachidien, situé dans la partie inférieure du tronc cérébral.
2.2.2. L’analyse du message gustatif par le cerveau : les zones cérébrales sollicitées
Le goût se forme dans différentes zones cérébrales qui décodent et analysent les informations sensorielles transmises par le système nerveux. Là, ces messages vont se répercuter et être modifiés par un très grand nombre de neurones, car chacun d’entre eux peut établir près de 20 000 connexions avec d’autres neurones (et il y a environ 100 milliards de neurones dans le cerveau). La façon dont le cortex interprète ces messages sensitifs n’est pas encore entièrement comprise.
On sait toutefois que les ramifications de chaque nerf gustatif suivent des parcours différents. Le message sensoriel se dédouble au niveau du tronc cérébral pour emprunter deux voies distinctes qui conduisent simultanément vers (cf. Schémas présentant les zones cérébrales sollicitées pour l’analyse du message gustatif et la formation d’une image sensorielle du goût) :
-
Le système limbique, sous le cortex cérébral, où les informations sont traduites sous forme d’émotions. En suivant ce chemin, les messages passent dans l’hypothalamus, la zone cérébrale de plaisir inconscient, puis dans l’hippocampe, la zone de la mémoire, où les sensations et les images sont mémorisées et comparées avec les souvenirs. C’est grâce à cette partie du cerveau que l’on peut associer un goût à un moment vécu, donc à une émotion.
-
Le thalamus, situé à la base du cerveau, où le message se conjugue avec les sensations de l’odorat et du toucher de la langue. C’est le centre conscient de l’analyse logique de l’olfaction et du goût qui traite l’intensité et la nature du message. C’est cette partie du cerveau qui nous donne la sensation du goût.
Puis le thalamus renvoie ces messages au cortex, siège de la reconnaissance du goût, où va se former une image sensorielle du goût.
Schémas présentant les zones cérébrales sollicitées
pour l’analyse du message gustatif et la formation d’une image sensorielle du goût
2.2.3. La formation d’une image multi-sensorielle du goût
Bien que le sens du goût ait un fonctionnement particulier et propre, il peut être influencé par différents facteurs tels que, nos autres sens : la vue, l’odorat, le touché et l’ouïe (cf. I. 1.1. le lien avec les cinq sens et I.1.2. les saveurs).
A titre d’exemple, l’odorat est un sens primordial pour percevoir le goût. Les aliments ont des arômes constitués par des molécules odorantes (parfois plus d’une centaine de molécules pour un arôme) qui sont libérés dans la bouche lorsqu’on mastique (cf. schéma III.1.3.2.). En passant par les cavités nasales à l’arrière du palais, ces molécules sont détectées par les neurones olfactifs (via l’olfaction rétro-nasale, pour les arômes volatils). Plus de 300 récepteurs olfactifs sont en jeu pour repérer toute la diversité des arômes. La rencontre arômes-récepteurs déclenche une chaine de réactions et un envoi de messages au cerveau. En perdant l’odorat (lors d’un rhume par exemple), on perd la perception des arômes et donc une part importante du goût.
Chacun de ces sens, va transmettre de son côté des informations complémentaires au cerveau. La perception du goût va donc s’associer à d’autres images sensorielles distinctes, issues des différentes sources sensorielles. L’ensemble de ces informations est finalement acheminé et traité au niveau des lobes frontaux du cortex cérébral. C’est à cet endroit que le cerveau forme une image multi-sensorielle du bonbon ou de l’aliment dégusté, c’est-à-dire la représentation consciente de celui-ci. A cette image, s’ajoutent des messages liés au plaisir ou au dégoût (hédoniques) ainsi que les mots pour décrire l’aliment (messages sémantiques). Ces images sont différentes pour chacun d’entre nous car elles sont basées sur notre mémoire, qui donne à la perception gustative une intensité et une coloration supplémentaire. Ces variations entre individus s’expliquent par des différences génétiques, mais également par l’intervention de facteurs extérieurs tels que : notre environnement familial (habitudes alimentaires), culturel et social (influence de la publicité) qui peuvent parfois se montrer subjectifs (cf. II.).
Pour simplifier, à chaque goût correspond une image qui doit être mémorisée, à la façon d’une image visuelle, afin de pouvoir être reconnue plus tard et distinguée d’autres images.
Soupçonne-t-on l’ensemble des mécanismes complexes qui interviennent dans la perception du goût quand nous dégustons innocemment un bonbon ?
2.2.4. Le schéma récapitulatif des mécanismes du goût